Aller au contenu

Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Asa ne marchait pas toujours du même pas ; on le voyait quelquefois hésiter et regarder autour de lui ; il se penchait alors sur l’encolure de son cheval, consultant la surface immobile du marais d’un œil perçant, sondait la masse épaisse des roseaux, tournait à droite, puis à gauche, s’arrêtait l’espace d’une minute, ou, faisant de la main un signe à Mlle de Souvigny, qui le suivait, il cherchait en tâtonnant autour de lui, jusqu’à ce qu’il eût retrouvé la ligne invisible du passage qui se tordait sous l’eau. Un sourire éclairait alors son pâle visage, et de nouveau il poussait sa monture droit devant elle.

Cette longue traversée dura près de deux heures. Enfin, un rivage boisé apparut aux clartés indécises des étoiles, un terrain plus solide sonna sous les pieds des chevaux, et un élan porta Asa sur la berge du marais. Il se retourna, et chaque dragon, tour à tour, aborda auprès de lui. Pas un dragon ne s’était égaré. Armand-Louis, comme il était parti le dernier, arriva le dernier. Devant lui s’étendait la campagne, fermée aux regards par un rideau de forêts.

Un mouvement spontané poussa Adrienne et Diane dans les bras l’une de l’autre. Armand-Louis découvrit son front. Tous les cavaliers l’imitèrent, et un long soupir de bénédiction monta vers Dieu. Tous ces braves soldats laissaient la mort derrière eux, et l’espérance semblait les appeler à l’autre bout de l’horizon.

Asa étendit la main dans la direction du nord :

— Prenez ce sentier sur la droite, dit-il, vous le suivrez jusqu’à un endroit où deux routes se croisent ; engagez-vous du côté où vous verrez une croix de pierre. Chaque pas que vous ferez dans cette voie vous éloignera des Impériaux.

Cependant les dragons, qui s’étaient rangés en ordre de bataille, secouaient leurs manteaux ruisselants. M. de la Guerche