Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/55

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— Si vous êtes le général en chef de l’armée, je crois être le maréchal héréditaire de l’empire… Ce que j’ai pris, nul n’y touche.

— Monsieur le comte… savez-vous bien qui vous parle ?

— Monsieur le comte de Tilly, vous parlez au comte de Pappenheim, voilà ce que je sais !

Les deux chefs se regardaient comme au désert deux lions qui viennent boire à la même source : l’un avec toute la hauteur du commandement dont il était revêtu, l’autre avec toute l’arrogance de la race dont il sortait ; la même pâleur couvrait leur front. Poussé à bout, le comte de Pappenheim pouvait s’éloigner, et toute l’armée ne l’aurait point arrêté, marchant à la tête de ses cuirassiers ; peut-être même une bonne partie l’aurait-elle suivi, et l’on s’exposait à tout perdre pour avoir tout exigé.

— Eh ! messieurs, s’écria Jean de Werth, que nous fait la vie de deux capitaines dont la rançon ne serait pas payée dix écus d’or ! Il est bon, au contraire, que nos ennemis sachent quel mépris nous faisons de leur épée ! Ils diront aux Suédois quel sort l’armée que commande M. le comte de Tilly réserve à quiconque lui résiste ! Ce surnom d’invincible qu’elle a mérité si longtemps, ce nom que dix victoires ont consacré, ils sauront qu’elle le mérite encore !

Ces éloges, adroitement prodigués, dissipèrent la colère du général. Un sourire amer plissa ses traits.

— Jean de Werth a raison, dit-il ; que monsieur le maréchal de l’empire fasse donc ce qui lui plaira des deux aventuriers que le hasard a mis en son pouvoir.

La conférence était terminée ; le comte de Pappenheim regagna lentement la maison devant laquelle veillait une garde de cuirassiers. Il venait de braver en face un homme qui ne pardonnait pas facilement, et il connaissait suffisamment