Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/61

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d’un bâtiment que les reflets de l’incendie éclairaient ; il se penchait en avant pour mieux voir.

— C’est lui ! murmura-t-il ; jouons serré, et une heure peut me rendre ce que la fortune m’a fait perdre !

Jean de Werth arrivait en ce moment devant la maison ; le capucin l’aborda, et, croisant les bras sur sa poitrine, il s’inclina d’un air de componction.

— Monseigneur Jean de Werth daignera-t-il perdre cinq minutes de son temps précieux pour écouter un humble serviteur de l’Église ? dit-il.

— Tout de suite ? demanda le Bavarois.

— Tout de suite, si cela plaît à Votre Seigneurie.

Et plus bas, il ajouta :

— Il s’agit d’une personne que l’enfer réclame et que monseigneur Jean de Werth honore d’une haine particulière : j’ai nommé M. de la Guerche.

Jean de Werth enveloppa le moine d’un regard perçant.

— Un pâté de venaison, flanqué de quatre bouteilles dérobées aux renégats de Magdebourg, vous ferait-il peur, mon Père ? reprit-il.

— Bien que mon habit m’ait fait rompre tout commerce avec les sensualités de ce monde, pour le service de la cause que nous défendons, vous par l’épée, moi par la parole, je me soumettrai à l’épreuve du pâté.

— Et à la tentation des bouteilles ?

— Oui, monseigneur.

— Alors, suivez-moi, nous causerons en soupant.

Le moine s’inclina jusqu’à terre et pénétra à la suite de Jean de Werth dans une salle basse que les Croates et l’incendie avaient respectée. Une table robuste, en bois de chêne, supportait sans faiblir le poids respectable d’un pâté qu’entourait modestement un assortiment complet de saucisses, de boudins et d’andouilles, d’où s’échappait une vapeur