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Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/94

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— Ami Rudiger, lui dit-il, voilà trente rixthalers que je vous donne : c’est le salaire que je m’étais engagé à vous payer. Comptez-les et allez au diable !

— Ah ! c’est un congé ?

— Et j’imagine que nous n’aurons plus rien à démêler ensemble.

— Vous m’avez promis une gratification, ce me semble.

— Prends garde que je ne la solde sur ton dos à coups de corde, et remercie-moi. Tu as le cœur beaucoup trop tendre pour n’avoir pas la peau fragile. Cela dit, file au plus vite… D’ailleurs, console-toi, tu n’es pas le seul que j’aie prié brusquement de me fausser compagnie… mon escorte fait peau neuve.

Rudiger regarda par la fenêtre et aperçut, rangés devant la porte, au milieu des hommes qui achevaient leurs préparatifs de départ, vingt nouveaux cavaliers qui faisaient partie d’une troupe débandée à la suite d’une rencontre malheureuse avec les Suédois.

— Je les ai enrôlés cette nuit, dit Mathéus ; il y a parmi eux des Croates et des Bulgares qui pendraient un homme aussi aisément qu’ils videraient un verre de vin.

La partie n’était pas égale.

Rudiger prit les rixthalers, et mordant ses lèvres :

— Au revoir, seigneur Mathéus, dit-il.

Après le départ de Rudiger et des hommes qu’il avait congédiés, Mathéus changea de route subitement, expédia un messager avec ordre de ne s’arrêter ni nuit ni jour, fit faire double étape à ses cavaliers et arriva au bout de la semaine devant un château dont toutes les portes s’ouvrirent aussitôt qu’il eut murmuré quelques paroles à l’oreille du gouverneur. Il y entra avec tous ses hommes, en visita tous les coins et déclara que l’endroit lui paraissait bon pour un campement.