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Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/95

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Le château de Rabennest était situé sur le flanc d’une montagne escarpée, et commandait une gorge au fond de laquelle courait un torrent. De grands bois de sapins l’entouraient à perte de vue ; il avait de solides murailles, quatre tours, des fossés, un pont-levis : c’était un repaire dont la garnison ne pouvait pas être expulsée commodément.

Renaud fut placé dans la tour du Corbeau, Armand-Louis dans la tour du Serpent ; on ne distinguait les deux tours que par leur forme : l’une était ronde, l’autre carrée.

Elles avaient d’ailleurs la même solidité et, avec les mêmes murailles, le même ameublement, c’est-à-dire un méchant grabat, deux escabeaux, un chandelier de fer, une table de bois vermoulue ; deux lucarnes garnies de gros barreaux y versaient le jour ; la pluie et la bise y entraient également.

— Voilà l’appartement, dit Mathéus ; il est meublé.

— C’est presque aussi joli que vous, répondit Renaud.

— Comptez sur moi pour que la nourriture ne laisse rien à désirer non plus, ajouta Mathéus.

— Elle ne sera donc point faite à votre image, aimable seigneur ?

Mathéus essaya de sourire, lança à Renaud un regard sinistre, et repoussa la porte violemment.

Rien ne troubla le silence du château pendant la nuit ; le vent soufflait entre les barreaux de fer ; on entendait sur le chemin de ronde tracé au pied des deux tours le pas monotone des sentinelles. Renaud chanta, pour faire connaître à son ami la place qu’il occupait dans le château ; Armand-Louis fit un bond de panthère, et se suspendit par les mains aux barreaux d’une lucarne. En face de lui, mais séparée de la sienne par une courtine, était la tour d’où partait la voix ; au loin, un océan de sombre verdure s’étendait jusqu’à l’horizon.