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Empruntons ici quelques pages au Journal de Charles de Constant.

« Genève était, à l’époque où je l’ai revue, dans une grande prospérité qui était due à deux sources : l’agiotage que ses habitans entendaient et entendent fort bien, et l’abord nombreux des étrangers qui y dépensaient beaucoup d’argent.

« Il était honteux d’être pauvre et de ne pas faire comme les autres, car il fallait être inepte pour ne pas gagner de l’argent. Il n’y avait pour cela qu’à vendre et acheter les fonds publics. On avait inventé bien des moyens : les billets solidaires épargnaient aux ignorans les calculs à faire comme les logarithmes. « Donnez votre argent, disait-on, et dans peu d’années vous aurez la rente du capital engagé ». Il fallait être un sot pour ne pas mettre à une loterie où tous les billets sont bons, car pour que la spéculation manquât il aurait fallu que la France fît banqueroute, et c’était une éventualité que personne à ce moment ne regardait comme possible.

« On me fit donc partir pour Paris dans l’espoir que, n’étant point un sot, je serais entraîné par l’exemple de mes concitoyens