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LUC

sa gorge tant la surprise physique l’étreint et se mêle à la surprise qu’une semblable chose soit possible et paraisse si naturelle aux ricanements goguenards et crapuleux de la foule. Cette fille — qui le prend lui plus qu’il ne la prend elle — a sa pareille dans chaque rue, dans chaque maison, à chaque étage presque de ce claque-dents monstrueux et bégueule qu’est Paris ! Et le silence tranquille de la chambre, la violence croissante de la fille, satisfaite enfin, après des méfiances grossièrement visibles, des quinze francs versés écu par écu et cachés aussitôt, ont presque les allures d’un rite obscur dans le mystère d’un temple. La gouine en se déshabillant se multiplie. Lucet la laisse faire stupéfié des choses inconnues que lui révèlent les détours monstrueux et la science de cette femelle… Pas une fois, pas un instant dans la clarté de la chambre aux persiennes closes où se déshabille Lucet, elle n’eut la moindre impression de la beauté parfaite de ce jeune corps, de la finesse exquise de ces membres dont aucun ne reste insensible à ses manœuvres ; elle ignore la pureté admirable des traits adolescents, le râle de la bouche fraîche comme une fleur et savoureuse comme un beau fruit, la tiédeur blanche des mains qui finissent par rechercher sa chair veule et labourent sa peau à chaque caresse nouvelle. Elle s’étonne seulement que le jeune homme dérobe ses lèvres, dans un mouvement d’insurmontable aversion, aux baisers gloutons et faux dont elle le veut couvrir. Mais elle insiste, elle sent que l’enfant est sa proie, maintenant qu’il est nu contre elle et défaille dans ses bras ; elle arrache du lit le couvre-pied de soie, le jette à terre sur le tapis. Dans une