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LUC

l’angoisse de son petit cœur de gamin aimant et affligé ; son grand ami retint sur ses lèvres le charme et la douleur de l’entendre. Quels mots doucement vinrent rassurer Lucet ? À peine Julien les pouvait prononcer ; il sentait l’émotion les mouiller comme de larmes apaisantes. À peine ils arrivaient, ces mots fraternels, aux oreilles de l’adolescent. Ils furent une musique suave et déchirante tout ensemble… Puis, quand se fut épuisée la joie de donner et de recevoir le pardon, tous deux baissèrent la voix ; et les paroles émues de l’instant d’avant se tirent tremblantes dans l’honnêteté honteuse et la pudique volupté des pensées. Jamais le peintre n’avait osé avec son petit ami de tels propos auxquels sa délicatesse native et le raffinement impeccable de son verbe ajoutaient une langueur et une navrance suraiguës… Lucet, dont les grands yeux — et Julien se blessait à leur beauté — ruisselaient de fatigues bleues sous la pâleur mauve des paupières, et dont les lèvres saignaient encore de rouges baisers, Lucet comprit aux paroles de Julien l’horrible danger que sa fougue irréfléchie et l’abandon total de sa chair novice aux actes d’amour faisaient courir à Jeannine. Il se rappela la bouche inassouvie de l’amante râlant entre leurs lèvres soudées : « Encore… encore… » et la profondeur de l’étreinte répétée qui mêla leur chair active en la fusion luxurieuse où la créature emprunte au créateur une part effroyable de sa puissance…

Ainsi cela était ! Aucune transe, aucun regret, aucune colère ne pouvaient empêcher que la vierge ne portât en elle, ineffaçable, l’image de l’amant. Il était impossible que Lucet pût — et lui seul en avait