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PARTENZA…

on vient ici pour prier. Et de tous les fidèles je suis le seul à tourner la tête, distrait, tandis qu’eux, dans leur confiante simplicité, s’agenouillent à même les dalles, comme en Espagne, sur un coin déplié de leur mouchoir blanc des dimanches, devant la Madone et le Sauveur en croix à qui, pour deux sous sévèrement prélevés sur le tabac ou les petites douceurs quotidiennes, ils viennent, tendres et confiants, offrir l’humble cire dont la flamme suspend dans l’air obscur des chapelles une étoile d’or… Je n’ai même pas envie de sourire quand les chantres, gamins des rues bruns et rieurs dans leur robe rouge trop courte et leurs blanches aubes, si drôlement, de toute leur âme, chantent, avec l’ineffable assent, les liturgies sacrées.

Par la porte grande ouverte, après la messe, le vent s’engouffre et chasse devant lui, dans l’église, des flots de clartés blondes. Dehors, le balancement ininterrompu des bateaux me fait souvenir de Marseille, que j’avais presque oubliée, rêveur pendant l’office. Vraiment je ne m’imaginais pas qu’il pût y avoir quelque part une telle intensité de lumière, une telle orgie de grand et de beau jour étincelant ; j’étais, à la minute encore, perdu dans le rêve grisâtre des petites chapelles et des petites gens, et les petits cierges de deux sous me semblaient des étoiles réunies en constellations ; tout cela vient de s’évanouir devant le spectacle du ciel et de la mer.

Le grand air vivifiant accourt du large, donne cette sensation de vie intense, de pleine liberté, fait très lointaine la vie monotone et trop régulière de chaque