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PARTENZA…

niales qu’il ne me sera pas permis d’apercevoir toutes dans notre course si rapide. Mais, comme je me les répète, ces noms immortels, accoudé au triptyque du pont, dans cette triple percée de lumière par où s’enfuit, devant et derrière moi, l’indescriptible perspective de l’Arno profondément encaissé dans ses quais rudement et merveilleusement encadrés de maisons semblables à des palais, aux couvertures de tuiles plates, aux étages troués de loggias, avec, çà et là, de grosses tours d’église à l’architecture sévère dont la structure massive se rit de la lourdeur et de l’austérité ! Et quelle veillée, si je puis ainsi parler des quelques moments passés en pleine lumière, quelle préparation avant d’entrer aux Uffizi, ce milieu et ces ressouvenirs de Maîtres que je connais trop peu ou trop mal ! Ils me semblent des dieux créateurs de cette force suave et de cette grâce dont nous sommes encore tout imprégnés, tout haletants, comme si leurs chefs-d’œuvre venaient seulement de voir le jour et nous donnaient la toute première et ineffable impression de souveraine beauté qui dut enchanter les yeux et ravir l’esprit de leurs contemporains. Étoiles de cette voie lactée du génie qui traversa du XIIIe au XVIe siècle le ciel de Florence et de l’Italie, ils avaient à vingt ans les larges envolées vers la splendeur, l’exubérance de la création qui fait l’homme s’élancer de son infinie misère pour atteindre presque jusqu’au divin : ce Ghiberti remportant sur son maître — et quel maître, Brunelleschi ! — la victoire avec sa Porte du Baptistère et travaillant quinze années à la