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PARTENZA…

d’un carrefour à l’autre pour ne perdre aucun refrain de ces concerts en plein vent.

Dans un passage étroit, quelques jeunes gens forment un groupe singulier ; ils sont quatre ou cinq en rond, enlacés étroitement, les bras passés autour du cou, d’une épaule à l’autre, de façon que leurs lèvres se touchent presque et leurs haleines se confondent. Intrigué, je m’avance : une voix s’élève, éclatante, de l’une des bouches réunies, éclatante, exquise, sonore et brève, telle que sa fraîcheur juvénile éveille aussitôt en moi les souvenirs lointains des chantres mutilés de Saint-Jean-de-Latran et des ardentes mélopées de Séville. C’est le soprano aérien ; ses vocalises claires s’épandent au loin, forment un réseau enveloppant de guipures soyeuses dont les mailles s’élargissent et se resserrent, et doucement, mollement, broient l’âme et le cœur petit à petit, mais à coup sûr, en câlines étreintes subies sans résistance, recherchées au contraire et qui laissent un vide immense dès qu’on ne les sent plus. Le soprano s’est tu ; un mezzo-soprano lui répond. La voix la plus étrange et la plus émouvante que je connaisse ! Elle semble s’échapper du corps insexué d’un archange douloureux, et, flottante, caresse également les lèvres pures et ingénues d’un enfant ou les lèvres inquiètes et tremblantes de désirs imprécis de l’adolescent étonné en qui la chair vient de tressaillir. Et bouche contre bouche, en sourdine, s’unissent les lentes psalmodies des jeunes hommes, les couplets mélancoliques et berceurs, mués en marches vives, guillerettes, joliment