de quinze ans, solides et robustes, avec de grands beaux yeux noirs sertis dans l’exquise finesse d’un bronze pompéien. Ces gamins ramassés aux côtes de Sicile hument l’air chaud du large dès leur enfance et plongent dans l’eau salée, tout nus jusqu’à dix ans, leur corps svelte et dégagé emprisonné maintenant dans l’étroit pantalon de drap qui les serre et colle à leurs cuisses rondes. Les filles en passant sourient vers eux déjà. La gracilité des cous souples et de lignes pures dans l’échancrure très large des vareuses attire leurs yeux sur les cols bleus grands ouverts contre les épaules qu’ils découvrent, montrant le poli des nuques halées, la vigueur des jeunes poitrines. Le plus joueur a piqué dans ses cheveux bruns, sur l’oreille, une rose naturelle, rouge ; et cette fantaisie jolie, soulignée d’œillades très polissonnes, déconcerte les filles qui ont pour lui des regards étonnés où pointe un peu de jalousie.
Le décor est plein de mélancolie où s’agitent ces petits marins ; il n’a pas dû varier beaucoup, sans doute, depuis des siècles que reviennent ces mêmes dimanches silencieux qui font déserts les vieux quais, silencieuses, inanimées, les maisons hautes, appuyées, chancelantes et comme prêtes à s’écrouler, sur les arcades déjetées bordant un côté de la Strada Vittorio Emanuele. Des magasins boueux se cachent dans leur ombre, dissimulés derrière les piliers aux pierres effritées et rongées à la base ; et aussi des échoppes louches, sales et obscures, dont les entrées étroites sont éculées et huileuses par le frôlement séculaire des