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PARTENZA…

mains, des épaules, des vareuses grasses de cambouis et de goudron. Sous le soleil, joyeux coloriste, ces choses restent grises, ternes ; grises de la crasse qui, avec le salpêtre, suinte de partout, et grises aussi des loques innombrables dont le blanc n’est jamais revenu malgré les lavages successifs, des loques informes accrochées aux fenêtres bancales ; le vent les soulève et, lourdes de lessive, elles résistent, s’enflent et retombent inertes.

À terre, c’est un encombrement de toutes les formes de caisses, de fûts, de ballots descendus des voiliers antiques, noirs aussi et tannés ; et tout cela commence à chauffer ; l’air est saturé déjà de sels et de goudron, et des senteurs drôles viennent, intermittentes avec les âcres relents du vieux port, ajouter, à la griserie que promène le vent, l’énigme de leur origine ; odeurs oubliées depuis des années en quelque coin de ce quartier si délabré ; le vent les apporte et les chasse ; quand elles passent, on dirait que pleut la pesanteur des siècles, la vieillesse caduque de quelque chose d’imprécis. Et devant cette ribambelle de jeunes garçons qui montent, si gais en se dandinant, en se jouant, vers la Piazza Nuova, vers la ville, et devant l’effroyable vétusté des constructions de ce quartier, qui eurent aussi leur jeunesse et leur beauté, toutes sortes de pensées tristes et d’un calme poignant me sollicitent en songeant que les rires sonores tôt épanouis, là-haut, devant moi attentif à leurs jeux, dans la bouche frivole des mousses de quinze ans, auprès de cette fleur rouge qui en avive encore la