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PARTENZA…

d’or et de pierreries que tissaient jadis les maîtres artisans de ces Républiques aux rivalités formidables, aux passés étincelants dont se meurent à peine les suprêmes lueurs : Venise et Gênes, encore merveilleuses, même déchues, ayant flamboyé d’assez glorieuses apothéoses pour qu’il en reste de pâles auréoles, et que jaillissent de toutes parts, ici, sur les marbres des vieux palais armés de leurs blasons, les feux de leurs regards, à ces illustres disparus : les Doria, les Spinola, les Grimaldi, et plus près, dans les tonnerres précurseurs de notre Épopée impériale, Masséna !

Tous ces souvenirs me suivent à chaque pas, de la Strada Carlo Alberto à la Piazza Nuova, dentelée des élégances du palais Ducal, enrichie de cette vieille façade du Gesû fleurie d’incrustations de marbres précieux. Après, ce sont les portiques sévères du Carlo Felice, et plus loin je reconnais le vicolo escarpé affluant sur la Strada Nuovissima, silencieux maintenant, d’où hier dans la nuit s’élevaient, troublantes, les chansons des jeunes garçons enlacés, échangeant la tiédeur de leurs lèvres qui, rafraîchies pourtant du même nombre des baisers du printemps, je ne sais par quelle magie, ou quelles contraintes de leurs gosiers chanteurs, mêlaient dans ce concert improvisé toutes les voix, des sopranos aigus aux ténorinos charmants, lesquels se détachaient souples et effilés sur les pizzicati des basses graves et résonnantes. Ils avaient seize ou dix-huit ans, et l’on aurait dit les voix fluettes des garçonnets, grêles, mais captivantes,