peries flottantes, roulent les flots jaunâtres du Tibre, encaissé maintenant entre deux quais tout neufs aux très hautes murailles reliées entre elles par un pont de fer d’une silhouette abominable.
Je me rappelle ces berges, en partie dégringolant jusqu’à la surface de l’eau dans un agreste fouillis de baraques et de verdures également sauvages, de maisonnettes bizarres, soutenues on ne sait comme au-dessus de l’eau, appuyées à de longs madriers posant leurs jambes vermoulues sur les bancs de sable amassés aux replis des rives. Les quais sont excusables, puisqu’on ne peut guérir les Piémontais de leur fureur de démolitions, de leur manie d’alignement ; au moins auraient-ils dû avoir le bon sens de né pas écraser sous le poids de cette ferraille imbécile, la perspective merveilleuse uniquement par le réseau compliqué des vieilles choses, le luxe des éclatantes couleurs, le désordre émouvant et naturel des constructions barbares lentement posées là par les siècles. C’est demander beaucoup aux gens qui rêvent d’une Rome ennuyeuse, régulière et banale comme Turin, où se fabriquent des vermouths, et comme New-York, où se vendent des saindoux.
Bien jolies les boutiques du Borgo Vecchio, remplies jusqu’à en déborder des bibelots très authentiques offerts aux passants : bronzes écorchés et rongés de vert-de-gris ; boiseries patinées au brou de noix ; faïences craquelées et cassées ; enfin, sur le tout, des croûtes extravagantes de pauvres rapins, attribuées sans vergogne aux maîtres des Ecoles italiennes. Elles