Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/104

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Bella le reconnut au premier regard, et son cœur se partagea entre l’amour et la pudeur. Braka, qui l’avait reconnu aussi, se réjouit fort de la présence du prince : Bella baissa son voile pour cacher son visage, et la vieille passa dans la chambre voisine, après avoir fait une profonde révérence.

Les deux amants étaient seuls, tout pouvait s’expliquer et s’éclaircir promptement et facilement ; mais l’archiduc qui n’avait pas l’habitude de parler aussi intimement aux jeunes filles, ne sut dire que :

— Donnez-moi votre pouls ; donnez-moi votre pouls, dit-il une seconde, une troisième fois.

Bella lui tendit son bras blanc et potelé. Il lui prit le bout du doigt, qu’il tint longtemps entre ses mains ; il voulait lui dire quelque chose, lui parler de l’apparition dans la maison de campagne, mais il ne prononça que ces mots :

— C’est un spectre, c’est un spectre que j’ai vu.

Puis, et c’est là ce qu’il fit de plus hardi, il lui passa un anneau au doigt qu’il tenait dans sa main. Sa silencieuse jouissance fut interrompue en ce moment par la bruyante arrivée du petit, qui s’était égayé chez les filles, et, ayant échappé à la surveillance des deux seigneurs, était entré dans la chambre de Bella en parlant de son régiment, de ses soldats, et d’autres