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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/123

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— Certainement, répondit-elle.

Le petit, exaspéré, s’arracha les cheveux, et faillit étouffer de rage. Puis, se rappelant les leçons de son professeur, il exhala sa douleur dans un admirable et pathétique discours.

— Pourquoi, par tes enchantements infernaux, m’as-tu arraché à la tranquillité de ma première vie ? Le soleil et la lune brillaient sur moi sans artifice ; je me réveillais dans de paisibles pensées, et le soir je joignais mes feuilles pour faire ma prière. Je ne voyais rien de mal, car je n’avais pas d’yeux ; je n’entendais rien de mal, car je n’avais pas d’oreilles ; mais je me vengerai !

Je perdrai mes yeux à force de pleurer ; dussé-je y consumer tout ma vie, ce que tu as fait, causera ta perte : quand tu me croiras loin, je serai à tes côtés ; tu ne peux te défaire de moi aussi facilement que tu m’as créé, et en te jouant ; je resterai près de toi ; je te donnerai de l’argent pour satisfaire tous tes désirs, je t’apporterai des trésors, tant que tu en demanderas, mais tout cela pour te perdre. Tu voudras m’éloigner, te débarrasser de moi, mais je serai toujours là, attaché à tes pas, jusqu’à ce qu’une autre mérite ma colère, par une perfidie plus noire que celle dont tu m’as rendu victime.