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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/162

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Et me promener sous la fenêtre de ma bien-aimée.
Le gardien de nuit crie les heures d’un ton monotone,
Le malade gémit sur son lit de douleur,
L’amour se plaint de ses blessures,
Et les cierges brûlent autour des cercueils.

                                      II

Ma bien-aimée est morte pour moi en ce jour,
Où elle épouse mon rival ;
J’ai enseveli mon amour dans la douleur.
Voue compter, mes pleurs, ce serait compter les étoiles ;
Autant la lumière des astres donne du courage,
Autant la lumière qui vient de sa fenêtre me fait mal.
Je vois d’épais nuages dans le lointain,
Et des spectres qui m’entourent.

                                      III

La maison est pleine de tumulte et de bruits étranges ;
Ces hommes m’évitent et ne me parlent pas.
Ils ont pitié de moi, et s’arrêtent autour de moi.
Ne suis-je donc point un de leurs semblables ?
Pendant le jour, les forêts me cachent,
Et la nuit sombre vient me rendre la liberté ;
Ma bien-aimée est heureuse dans ce beau jour
Qui me voue à la douleur éternelle.

                                      IV

Combien de fois me suis-je assis ici plein de joie,
Jusqu’au moment où les étoiles commencent à pâlir !
Ah ! le monde m’a oublié
Depuis que ma bien-aimée m’a abandonné.
La terre verdoyante n’existe plus pour moi ;
Le brillant soleil ne luit plus pour moi ;
La clarté de la lune m’est insupportable ;
La nuit voit couler la fontaine de mes larmes.