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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/165

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Ô mon cœur ! où te porter maintenant ?
Personne ne veut plus de toi !
L’amour et l’honneur sont perdus !


Bella avait chanté ces paroles avec une telle émotion dans la voix, que le chanteur mélancolique cessa sa prière, et, sans la regarder, versa une partie des fruits et de la monnaie du plateau dans sa toque, qu’elle tenait à la hauteur de ses yeux pour se cacher. S’il avait pu la voir, il lui aurait tout donné, car il était le chef de la troupe. Les amours purs comme celui-là donnent à l’âme une telle délicatesse, qu’on fait du bien même à ceux dont le talent ne peut vous détourner de vos pensées.

Le pauvre écolier se sentit comme soulagé après cette aumône. Par discrétion il ne leva pas les yeux vers celui à qui il venait de faire du bien, et emmena sa troupe de peur qu’on ne tourmentât encore ce pauvre étudiant, en le faisant chanter de nouveau.

Lorsque Bella fut seule, elle courut se jeter à genoux à la place que venait de quitter le jeune homme, et où il avait laissé sa lanterne et un bouquet. Les fleurs exhalaient une si douce odeur et la sainte Mère parut la regarder avec tant de tendresse, qu’elle sentit que le péché de son peuple était pardonné :

— Sainte Mère, s’écria-t-elle, nous pardonnes-tu