Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/206

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racle, et un vieux matelot jurait que les Turcs devaient avoir sur leur vaisseau quelque sorcier qui commandât aux vents. Les chevaliers se croyaient tellement blessés dans leur honneur par le hasard qui leur avait enlevé cette capture, que, sans se préoccuper du danger auquel ils s’exposaient en se servant de leurs armes, dans un port neutre, ils tirèrent leurs épées et s’apprêtaient à aborder le vaisseau turc, lorsqu’une femme apparut sur le bord, et les supplia, dans le plus pur français, d’avoir pitié d’une pauvre âme qui n’avait qu’un désir, celui de faire son salut en entrant dans le sein de l’église chrétienne.

Les chevaliers, qui étaient la plupart Français, laissèrent tomber leurs armes d’étonnement et de plaisir en voyant cette femme, et en l’entendant parler leur langue ; ils n’étaient accoutumés à combattre que des hommes. Saint-Luc, leur chef, la pria d’être sans crainte. Sur son ordre, la galère alla se placer à une distance raisonnable qui la mettait à l’abri d’un coup de main. On marchanda avec le capitaine turc, et on finit par échanger contre quelques livres édifiants, des dattes, des figues sèches et de l’essence de roses.

Saint-Luc, prenant à part la belle inconnue, commença à lui faire sa déclaration, tout en maudissant son sort qui l’empêchait de donner suite à cette con-