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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/227

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qu’il fût, préférât la sèche et criarde Torcy, au brillant talent de Melück.

La salle fut emplie de bonne heure, outre les cabales, il y avait aussi des assistants neutres venus pour voir plutôt la bataille que la tragédienne. Chaque parti avait choisi les places les plus commodes pour faire entendre et sentir son opinion ; tous étaient attentifs à saisir la première occasion de manifester leur goût ; tout en voulant juger avec impartialité, ils guettaient quelqu’accident pour faire scandale.

Les deux premiers actes se passèrent assez bruyamment ; on se remuait, on changeait de place… Lorsqu’entra Phèdre, silence général. Mais quelle inquiétude chez les partisans de Melück, lorsqu’au lieu de l’entendre dire ces premiers mots :


N’allons point plus avant…


avec cet abattement causé par la passion qu’elle rendait autrefois si admirablement, ils la virent, comme possédée d’un mauvais démon, lancer les paroles avec violence, regarder de tous côtés dans la salle comme si elle eût perdu ses mots, et qu’elle les cherchât sur la bouche des spectateurs, qui savaient presque tous le passage par cœur et le récitaient tout bas. Elle dit plusieurs vers de cette manière, jusqu’à ce