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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/235

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il ne recouvrera son cœur que si je suis près de lui, car maintenant ce cœur est en moi ; dites-lui qu’il m’a rendue bien malheureuse, et que je ne lui demande que de rester toujours auprès de lui ; que sa femme ne se vante pas de l’avoir sauvé ; je vous le répète, c’est en moi qu’est son cœur, sans moi, il ne pourrait pas vivre, et il ne vivra pas plus longtemps que moi.

Frenel ne crut de tout cela que ce qu’il voulut bien en croire. Cependant il courut avec l’habit chez le comte ; à la vue de ce souvenir qu’il avait cru perdu, Saintrée sentit renaître une lueur d’espérance. Lorsqu’il l’endossa, il fut effrayé de voir comme il flottait sur son corps amaigri, tandis qu’autrefois, il lui collait si bien. À mesure que les heures avançaient, il se portait sensiblement mieux ; sans que Frenel le lui eût dit, il ne voulut quitter l’habit ni le jour, ni la nuit. Mathilde en était fière. N’était-ce pas là l’éloge de son amour ? Au bout de quelques semaines, Saintrée était si bien rétabli, qu’il remplissait son habit comme auparavant ; mais il lui manquait son cœur ; il ne sentait rien remuer en lui, et il lui semblait avoir un vide à la place où autrefois palpitaient de si nobles passions.

Enfin, après avoir ainsi vécu pendant un mois environ, Frenel leur avoua ce que Melück lui avait dit. Il les supplia de recevoir dans leur maison cette