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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/234

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tion. En l’entendant dépeindre le malheur de son ami, elle fondit en larmes ; elle pensa que puisqu’on avait recours à elle, il devait être bien malade, et qu’il était peut-être trop tard pour le sauver ; elle espérait chaque jour recevoir la nouvelle de sa mort pour se débarrasser à son tour de cette vie qu’il avait empoisonnée.

— Ah ! s’écria-t-elle, il est sûrement trop tard : dans ma fureur, dans ma jalousie, j’ai trop profondément rongé son cœur ! Cependant, j’espère encore pouvoir le faire rentrer dans son corps.

À ces mots, elle tira un rideau, et Frenel vit avec étonnement le mannequin auquel Melück avait su donner le visage, l’aspect, le teint du comte ; il était beau comme à ses meilleurs jours. Ce mannequin portait encore l’habit bleu du comte ; il était resté les bras croisés. Un léger coup, frappé par Melück, détacha les bras de la statue ; elle retira promptement l’habit, regarda attentivement dans une cavité située à la place du cœur, et dit au docteur :

— Allez vite, Frenel, car dans une heure il serait trop tard ; il vit encore, mais de la dernière fibre de son cœur. Mettez de suite cet habit, imprégné de larmes, sur le corps de votre ami, qu’il ne le quitte ni jour ni nuit, jusqu’à ce qu’il soit entièrement guéri ; mais