Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/243

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vous serez obligé d’indiquer le lieu de notre mort, et vous ne pourrez vous sauver !

Frenel se mit à rire :

— Pourquoi, nouvelle prophétesse, ne vous réfugiez-vous pas dans un couvent, puisque vous savez tout cela d’avance ?

— Pourquoi, s’écria-t-elle, parce que toutes ces pieuses âmes seront déshonorées par les prêtres du culte de la Raison.

Le comte finit par perdre patience, il saisit violemment Melück par la main, et la ramena promptement à la maison. Une heure après, elle ne se souvenait plus de ce qu’elle avait dit.

Le comte garda une profonde impression de ces révélations, qui lui montraient les choses sous un tout autre aspect. Frenel au contraire, aveugle théoricien, traitait ces prédictions de bavardages. Tranquille pour toutes ses espérances, il courut à Paris, où son habileté, et son enthousiasme le firent bientôt remarquer. L’existence brûlante de la ville, et les luttes des partis, finirent par fausser complétement son jugement et lui faire perdre tout son sang-froid. Le comte vit bientôt dans la province les choses se présenter d’une manière plus effrayante encore que ne l’avait prédit Melück : il vit les méchants unis, et les bons, comme