Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/262

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d’engraisser des poules et autres volailles, et il lâchait aussi des ramiers sur la ville, qui ne manquaient pas de lui ramener quelques pigeons égarés.

Sa fidèle gouvernante, Ursule, était la complice de cet expédient dont personne n’osait lui parler, de peur de s’attirer quelque désagrément.

Avec ce qu’il avait gagné, il s’était acheté une méchante maison dans le plus vilain quartier de la ville, contre la rue des Juifs, et un fonds de quincaillerie dont la vente lui avait procuré de quoi garnir ses chambres, où il maintenait la plus grande propreté ; mais personne ne connaissait son intérieur qu’il tenait soigneusement clos.

C’était, du reste, un fidèle assidu ; il se plaçait, à l’église, en face d’une muraille ornée des armes d’illustres trépassés, et se conduisait du reste comme tous les autres qui venaient écouter le prêche. Chaque dimanche, au sortir du temple, il avait l’habitude d’entrer chez une vieille dame qui avait autrefois été à la cour ; la semaine, il se contentait de passer devant sa porte en aspirant une prise de tabac, capable de le faire éternuer cinquante fois, et en se dandinant comme un coq qui fait le beau, avec une démarche d’élégant que ne lui permettait plus son âge ; tandis que sa flamberge, qu’il faisait passer entre les basques de son