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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/265

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gent pour payer les frais. Ma maison n’est pas disposée pour recevoir un hôte riche et délicat comme celui-là, car dans nos familles de noblesse, c’est, hélas ! comme chez les chats : on garde, on soigne bien le premier-né, et on jette les autres à l’eau.

— Vous avez été bien près d’hériter du Majorat ? lui demanda la dame.

— Oui, certainement, répondit le cousin, j’avais trente ans, mon oncle soixante, et pas d’enfants du premier lit. L’idée lui vint de se marier à une jeune femme. Tant mieux, me disais-je, le jeune tue le vieux ; mais il n’en arriva pas ainsi ; peu de temps avant qu’il mourût, elle lui donna un fils qui est cet héritier du Majorat, et moi, je n’héritai de rien.

— Si le jeune homme mourait, vous seriez l’héritier du Majorat, objecta tranquillement la dame ; les jeunes gens peuvent bien mourir, tout le monde meurt !

— Hélas ! répondit le lieutenant, le ministre a parlé de cela aujourd’hui dans son sermon.

— À propos, qu’a-t-on chanté ? demanda la dame ; ma dévotion exige que je le sache.

Le lieutenant entonna le psaume, et se mit à le chanter doucement, tout en peignant le griffon qui l’écoutait avec admiration. Lorsqu’il se retira, la