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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/323

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nouvelles colonies de chiens de race de tout genre. Ces ridicules circonstances l’empêchaient de se montrer dans le monde, qui, du reste, ayant bien vite appris l’histoire du secret mariage et de la substitution d’enfant, était déjà fermé à sa femme.

Elle ne s’en adonna qu’avec plus d’extravagance à son amour pour les bêtes, et dès lors personne n’eut plus la permission d’entrer dans l’hôtel. Les gens curieux venaient bien le soir devant les fenêtres épier à travers les fentes des volets l’éclat des lustres allumés, et grimpaient sur les murs pour saisir quelque chose de ces fêtes étranges. Ils racontaient qu’ils avaient vu une foule de chiens et de chats s’asseoir à de grandes tables chargées de plats d’argent contenant des ragoûts exquis, et que monsieur le général se tenait debout, derrière la chaise du chien favori, une assiette sous le bras, et invitait les autres chiens à manger, en leur disant des amabilités en français. Que la dame avait fort ri, comme d’une fine plaisanterie, parce que deux chiens avaient essuyé leurs pattes sales sur la grande nappe où étaient tissées les armes du Majorat, tandis que le malheureux seigneur, tremblant de rage, exécutait des trilles avec son assiette sur les boutons de son uniforme.

— Puisque nous voilà tous de bonne humeur, dit