Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/54

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l’oiseau dont les ailes coupées ont repoussé peu à peu et qui, un beau jour, au grand étonnement de son maître, s’envole et se plaçant sur l’arbre le plus voisin, au lieu de chanter la musique que lui a appris la nature, se met à siffler, comme par raillerie, l’air qu’on lui a seriné ; les premières paroles du petit furent pour répéter celles de sa maîtresse : « Sois gentil, sois sage, reste tranquille. » Il ne cessait de les redire, et Bella l’aurait volontiers battu, mais il savait toujours se placer hors de son atteinte. Enfin, pour épuiser sa patience, il saisit une paire de lunettes rouillées et se mit à raconter, de la manière la plus extravagante, les malices qu’il voulait faire à tout le monde pour se divertir.

Bella fut très affligée de le voir mettre des lunettes ; en effet, qu’y a-t-il de plus familier, de plus intime chez l’homme que les yeux ? Aussi est-ce un bien grand malheur quand la faiblesse de la nature nous oblige à interposer ces morceaux de verre entre nous et ceux que nous aimons. Bella se trouvait donc très inquiète de la conduite de son petit bien-aimé, lui qu’elle aurait volontiers divinisé dans le premier enthousiasme de sa création. Elle vit bien que le seul moyen de maîtriser la mandragore serait d’en parler à Braka. Elle y réfléchissait profondément, lorsque le petit