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LA CRITIQUE DU CRITIQUE

bœufs, lentement, paissent, à coups de langue presque rythmés, l’herbe des premiers contreforts, et chaque mouvement de leur tête agite la sonnette qui pend à leur cou. De toutes les vallées montent ainsi des musiques argentines, pures et fraîches, que les échos se renvoient, et que domine parfois le chant grave d’un bouvier. Je m’attarde près des granges, où des hommes hâlés et velus battent le blé. Les fléaux tombent, s’élèvent, retombent encore, en cadence, bras gigantesques et souples qui broient sans relâche. Le soleil, qui glisse à travers les raies du toit et entre à flots par la vaste porte, jette sur les travailleurs et les gerbes étalées des lueurs d’or. Des poussières, qui brillent, dansent dans l’air. Je pénètre dans les burons campés sur les plateaux déserts, et, un peu suffoqué tout de même par l’odeur acre qui les emplit, je regarde les paysans faire leurs fromages. Ma curiosité ne les dérange pas ; ils ne s’inquiètent point de moi, pas plus qu’ils ne s’inquiètent de ceux qui vivent dans les villages. Ils écument le lait, pétrissent, serrent le beurre en des cases