Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/246

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familière ? Il me parut, par une de ces bizarres associations d’idées qui naissent en nous, on ne sait ni pourquoi ni comment, que M. Jules Renard, après avoir ainsi désiré et goûté le charme de la notoriété parisienne, en était revenu à souhaiter les éloges des compagnons de ses premières années. Tout jeune, je n’avais voulu voir en lui que l’homme de lettres, ignorant le peintre amoureux de la nature, que ravissaient les campagnes blondes, les bois verts et les paysans simples. Comment avais-je pu séparer du Parisien ironiste et âpre le Nivernais ému et attendri ? Comme s’il devinait mes pensées, il murmura :

— Je suis né en Mayenne, par hasard, mais je n’ai qu’un pays, Chitry-les-Mines, dans la Nièvre. C’est là que mon père demeurait, et c’est là qu’il mourut. Ce petit coin de terre contient toute ma vie…

Ah ! comme les yeux froids de M. Jules Renard s’adoucissaient subitement ! Ils ne regardaient plus ce qui les entourait, ils regardaient par delà les murs, très loin, très loin, la maison à un étage, avec la cour, la cage aux lapins, la barrière fermée sur le chemin, tout ce décor rustique où Poil-de-Carotte vécut son enfance douloureuse et que nous vîmes reproduit avec une si étonnante exactitude sur la scène de M. Antoine… Peut-être, comme au temps jadis, apercevait-il la terrible Mme Lepic, sa mère, penchée à la fenêtre, M. Lepic, son père, poussant la porte pour sortir, le grand frère Féli