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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

permis… Puis-je vous demander le nom de ce salmis ?…

— C’est un salmis de quatre !

— Ah ?

— Vous allez les reconnaître. On peut les voir en liberté le matin quand elles vont à la messe. Pendant des années, elles ont porté le même chapeau vert avec capote de satin miroitant et bride de velours perroquet…

— Comment ? si je les reconnais ?… Ce sont nos vieilles loc…

— Vous l’avez dit ! Locataires !

— Que je vous plains !

— N’est-ce pas ? ma destinée est douloureuse. Quand on est affligée de quatre crampons, comme je le suis, on n’est presque plus présentable dans le monde…

— Vous exagérez…

— Hélas ! non… Ainsi, tenez, nous deux, nous bavardons gentiment. Nous sommes là, comme des camarades. Nous ne nous connaissons pas depuis longtemps, mais nous nous sommes découverts les mêmes idées sur les vieilles filles. Eh bien ! nous aurons beau faire. Il y aura toujours une chose qui nous séparera, une chose grave, une chose terrible…

— Qu’est-ce que c’est ?

— Une gouttière.

— Hein ?

— Oui… une gouttière, qui coule depuis huit ans, mon cher monsieur, et qui met de longues taches noires sur le mur… C’est horrible !

— C’est une honte !… Il faut l’arrêter…

— Oh ! gardez-vous-en bien…

— Pourquoi ?

— Parce que c’est par cette gouttière que se déverse la bile de mes cousines. Les vieilles demoiselles ont besoin d’avoir dans leur vie, toujours prêt, un motif de discussion pour les jours de mauvaise humeur. Si vous leur supprimez celui-ci, les dames aux chapeaux verts devront en inventer un autre. Ça fatiguera leur imagination. Ayez pitié d’elles. Soyez bon pour les vieilles filles !

— Vous êtes amusante… Mais dites-moi… est-ce que vous êtes obligée d’habiter…