Page:Acremant - Ces Dames aux chapeaux vert, 1922.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
85
CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

Louis XVI et des bergères soyeuses lui rappellent son petit boudoir d’antan. Dans une vitrine s’étale une collection rare de bonbonnières avec des médaillons, des incrustations, des ivoires sculptés, des camées aux ombres douces. Dans un cadre ovale, sur la glace, un pastel du dix-huitième siècle ! Sur les murs, des esquisses roses de Boucher, un paysage de Sisley, une étude vigoureuse de Jonas.

Arlette respire avec joie dans cette atmosphère parfumée, lorsqu’une voix d’homme retentit à travers les tentures :

— Joséphine, vous n’auriez pas dû laisser entrer. Je ne suis pas comme mon père, moi, je manque de patience. Je n’éprouve nul désir d’être embêté par toutes les vieilles filles de la paroisse…

Le front plissé, Jacques de Fleurville ouvre la porte avec un geste de contrariété. On sent qu’il aura vite fait de se débarrasser de la quêteuse indiscrète. Mais Arlette le regarde droit dans les yeux. Elle a la tête un peu penchée et un sourire, qui ne se dissimule à demi que pour se rendre plus expressif :

— Excusez-moi, monsieur, de n’être pas une vieille fille, dit-elle. Vous auriez peut-être préféré…

Sans la moindre gêne, il éclate de rire :

— Ah ! vous m’avez entendu ? Ne m’en veuillez pas…

— Je partage trop votre opinion pour vous en vouloir. J’ai beau me raisonner, j’ai beau me forcer… Moi, non plus, je ne peux arriver à supporter les vieilles demoiselles… C’est très curieux ! Ça doit être de naissance…

— Peut-être !… Or, moi, j’en ai ma famille encombrée. Quand nous avons une cérémonie, un dîner de mariage ou de première communion, ou d’enterrement, il en traîne dans tous les coins. C’est lamentable !

— Eh bien, moi ! monsieur, j’en ai un salmis à la maison…

— Vous ?

— Oui, monsieur, moi qui vous parle !

— Permettez que je vous adresse…

— Vos condoléances ? merci… Je les accepte.

— Non… mes consolations… Je ne me serais pas