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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

— J’ai souvent pensé au nombre des gens, qui avaient les mêmes goûts, les mêmes caractères et qui se seraient follement aimés si le hasard les avait amenés une seconde sur le même chemin, tandis qu’ils traînent lamentablement sur des routes différentes…

— Comme vous êtes étrange ! Jamais je n’ai rencontré une jeune fille qui soit autant que vous à la fois sérieuse et narquoise. On croit que vous allez dire une plaisanterie et vous formulez une observation qui ne manque pas de profondeur…

— Merci pour la profondeur !

— On croit que vous parlez gravement et vous lancez une blague…

— Qu’est-ce que vous voulez ? C’est la vie !

— Je vous trouve délicieuse !

— Et au théâtre ? qu’est-ce qu’on a donné de nouveau, ces temps-ci ?

Arlette parle, parle. Jacques répond à toutes ses questions. Ils sont assis l’un près de l’autre sur un canapé. Soudain elle demande :

— Dans quel quartier habitez-vous ?

— Boulevard Malesherbes.

— Et vous venez souvent ici ?

Avant de se prononcer, Jacques se lève. Il va s’assurer que personne ne l’écoute derrière les portes. Il constate qu’il peut s’exprimer sans crainte. Prenant un ton de confidence, il déclare alors :

— Je reviens le moins possible.

— Comme je vous comprends.

— Il faut vous dire que mon père est un vieux Parisien. Il passe six mois de l’année auprès de moi…

Une pendule sonne à ce moment quatre heures. Arlette sursaute :

— Mais nous bavardons… Excusez-moi… Il faut que je me sauve…

— Déjà ?

— Je dois voir cet après-midi M. Hyacinthe…

— Quel Hyacinthe ? J’en ai connu un jadis…

— C’est le même… professeur au collège, avec une valise jaune…

— Oui… Comme le volatile de la fable, il a fait son