Son esprit n’est pas assez vif pour la suivre dans ses fantaisies, mais c’est à dessein qu’elle le bouleverse. Ainsi, à brûle-pourpoint, elle peut lui déclarer familièrement :
— Alors, « comme ça ! », mon cher monsieur, vous voilà revenu dans votre vieille cité !…
Comment cela peut-il intéresser une jeune fille de cet âge ! Il est si dérouté qu’il ne se le demande pas, il condescend à répondre :
— Vous êtes trop jeune pour vous souvenir de moi…
— En effet, dit-elle gentiment, mais j’ai si souvent entendu parler de vous que j’éprouvais le plus vif désir de vous connaître.
— Ah !
— Je suis très renseignée sur votre compte. Je pourrais vous dire sur vous des choses qui vous étonneraient bigrement.
— Ah !
— Vous ne pouvez pas vous douter à quel point vos amis ont regretté votre départ, il y a dix ans…
— Mes amis… lesquels ? Je n’en ai jamais eu…
— Croyez-vous ?… M. le Grand Doyen me répétait encore l’autre jour combien Mme Hyacinthe était une sainte femme…
— Maman !
— Tous ceux qui ont eu la faveur de l’approcher se consolent mal de sa disparition…
— Pas tant que moi…
Très sincère, il tire un large mouchoir à carreaux de sa poche et se tamponne violemment les yeux en reniflant :
— Heureusement, continue Arlette, vous n’êtes pas de ceux pour qui une maison est triste dès qu’elle ne contient pas une femme et des enfants…
— Moi ?
— Oui… Vous êtes un esprit supérieur… Vous avez la science pour femme, vos élèves pour enfants et vos livres pour amis…
— Évidemment… en principe…
— Il n’y a pas d’existence plus admirable que la vôtre. L’apostolat que vous vous êtes imposé est le plus noble de tous. Vous façonnez à votre image les