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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

qu’il ne l’est lui-même. Si elle jacasse avec ses sœurs, comme une petite folle, c’est pour s’étourdir. Toute cette histoire lui est si douce qu’elle la croit providentielle. Elle s’abandonne donc aux circonstances. Puisque le ciel a provoqué cette rencontre, il fera bien le reste !

M. Hyacinthe qui la voit presque de dos, a tout le loisir de l’examiner. Il admire son petit chignon, qui émerge de sa capote à brides. Comme ses cheveux éclaircis et souvent savonnés n’ont pas uniformément la même teinte, il se pâme :

— Oh ! ses cheveux ! ses cheveux ! qui ont des reflets changeants comme la soie !…

L’envie folle le saisit de les embrasser…

— Voyons, Ulysse, tu es stupide, ricane le cerveau professoral. Tu te conduis comme un collégien. Rends-toi compte que tu n’es plus digne d’elle.

— Et pourtant, lui riposte certain démon tentateur, c’est elle qui t’a réservé une place auprès d’elle. Pour qu’elle ait fait ce geste, il faut qu’elle ait voulu te signifier un sentiment personnel… Il faut…

— Du calme, mon vieux Ulysse, du calme ! reprend le cerveau…

La Grève des Forgerons se termine sans que personne dans la salle se soit douté de la lutte aussi dramatique qu’intime dont M. Hyacinthe a été à la fois le spectateur, le vainqueur et la victime. Le cerveau professoral a triomphé du cerveau tentateur.

Ulysse abdique son beau rêve. Il s’enfuirait tout de suite s’il ne devait pour cela se creuser un chemin au milieu de la foule. C’est décidé ! Jamais plus il ne pensera à Marie Davernis.

Et pourtant…

Lorsque l’agent de police lui a annoncé tantôt : « Dépêchez-vous… Ce sera bientôt votre tour », n’a-t-il pas voulu lui signifier que bientôt il se marierait comme les autres ?

Le petit démon tentateur n’est pas définitivement battu. Il prononce même une contre-offensive, quand le régisseur vient crier :

— Mesdames et messieurs, dix minutes d’entr’acte…