plus voir un seul de ses amis sans s’imaginer l’impression que celui-ci éprouvera lorsqu’il apprendra la grande nouvelle.
Chaque soir, pour que la confidence soit gardée, il vient chez ces demoiselles Davernis mystérieusement, en faisant des détours pour tromper ceux qui auraient la tentation de le suivre, et en rasant les murs pour que ne le reconnaissent pas ceux qui pourraient s’inquiéter de ce promeneur étrange.
Telcide lui a dit :
— Je vous autorise à venir quotidiennement de cinq heures et demie à six heures et demie. Lorsque le dîner des fiançailles aura eu lieu et que la ville sera avertie, nous prendrons d’autres dispositions…
Il suit exactement les indications reçues. À cinq heures et demie précises, il arrive. Ernestine le guette à la porte pour qu’il n’ait pas à attendre. Les indiscrétions des demoiselles Lerouge sont toujours à craindre !
Marie lui serre la main dans le couloir. Elle l’aide à retirer son manteau. À voix basse, elle lui demande :
— Comment allez-vous ? Quel temps fait-il ?
Aussi amoureusement que possible, avec des yeux langoureux, il lui répond :
— Je vais bien. Je crois qu’il va pleuvoir…
Et ils rentrent dans la salle à manger où Telcide, Rosalie et Jeanne sont auprès de leurs tables à ouvrage. Arlette écrit des lettres.
Pendant cinq minutes, la conversation est générale. Telcide interroge le professeur sur les faits du jour. Jeanne lui soumet un problème difficile. Rosalie ne dit rien et n’en pense pas davantage. Mais Marie installe un jeu de dames sur un guéridon. Elle dispose un à un les pions sur les cases noires. Quand elle a fini, elle annonce d’une voix drôle :
— Monsieur Ulysse, notre petite partie est prête…
Telcide, Rosalie et Jeanne comprennent. M. Hyacinthe va commencer sa cour quotidienne. Il importe de laisser les deux fiancés en tête a tête. Lorsqu’on est sur le point de s’engager l’un envers l’autre pour la vie, on a des choses graves à se confier, des résolutions importantes à prendre. Or, M. Ulysse, en se penchant dans un salut, dit à Marie :