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Au versant du talus boueux
S’écartelaient en bonds difformes !

De loin, sur le pâle horizon,
Comme un Titanique fantôme,
De son opaque frondaison
S’arrondissait l’immense dôme !

En débordant ce spectre obscur
À l’heure où le Grand-Duc pérore,
La lune, déjà d’un rond pur,
Sortait d’une seconde aurore.

Sur ce faite, aimé des brouillards,
Maintes hordes tourbillonnantes,
Décrivaient, essaims babillards,
Un nimbe d’ailes frissonnantes ;

Puis, au cœur de l’ombrage épais
Que nulle tempête n’effraie,
À petit bruit plongeant en paix,
S’endormaient au cri de l’orfraie.

Dès qu’aux guérets sifflant l’éveil
Sautait la fringante alouette,
Le premier éclat du soleil
Dorait sa calme silhouette.

Et cependant, pour compléter
Ce fier colosse millénaire,
Il eût fallu le transplanter
En un désert imaginaire ;

Le voir seul, unique, isolé,
Dans la plaine rase et livide,
Secouant son front désolé
Sur le morne infini du vide !