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Page:Actes du Congrès international de philosophie scientifique - I. Philosophie scientifique et Empirisme logique, 1935.djvu/28

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I. 24 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE ET EMPIRISME LOGIQUE

depuis quelque temps — semble reprendre force, tendant à une domination nouvelle sur la culture.

C’est là un événement que je salue de tout mon cœur. Etant resté fidèle aux idéaux de ma jeunesse, contre le fléau des adversaires, ayant travaillé pour ma part à soutenir la cause de la raison scientifique et à dénoncer les conséquences malheureuses de l’esprit romantique, je n’ai pas besoin de vous expliquer mes sentiments.

Mais il ne s’agit pas de chanter victoire ; mieux vaut la préparer et assurer, autant que possible, le succès durable de l’entreprise qui se renouvelle aujourd’hui. Pour ce but il y a lieu de chercher d’abord à nous expliquer les motifs qui ont favorisé, à son époque, la déchéance de la philosophie positive, à fin d’éviter les restrictions ou les fautes qui peuvent menacer notre mouvement.

Je suis convaincu que la philosophie positive n’aurait pas succombé à la force des adversaires, que la violence par laquelle on l’a combattue au commencement de notre siècle se serait brisée contre une force supérieure, si au positivisme n’était venu manquer à ce moment le consentement des cercles scientifiques. Je vois une preuve de mon affirmation dans ce fait que la polémique des philosophes idéalistes s’est tournée le plus souvent du côté des plus faibles partisans de l’école positiviste, évitant de discuter les thèses des penseurs plus profonds qui se profilaient déjà sur l’horizon. Il me semble évident qu’une philosophie scientifique ne saurait prétendre à exercer une influence durable sur la culture, si elle n’est pas acceptée et soutenue d’abord par les hommes qui travaillent au progrès des sciences particulières ; certes, ceux-ci n’ont pas à chercher dans les vues des philosophes des résultats précis, semblables aux résultats de leur expérience, mais il faut qu’ils y reconnaissent l’esprit général de leur recherche, ou le reflet de leurs idéaux de connaissance, affranchis des limites que les exigences techniques imposent à leur liberté constructive.

C’est dire que la philosophie scientifique, en tant qu’elle aspire à établir une discipline supérieure de la pensée rationnelle, ne saurait se réduire à un système philosophique particulier, résolvant en un sens déterminé les oppositions traditionnelles des écoles. Une science bornée et unilatérale, une tendance spéciale visant à donner satisfaction à quelques exigences scientifiques, ne saurait prétendre à donner la mesure de la raison ou de la science, conçue dans son acception universelle, sans danger pour l’idéal que nous voulons affirmer.

Parmi les reproches les plus frappants qu’on pouvait faire à la philosophie positive il y a d’abord celui-ci : qu’elle avait perdu le sens