Aller au contenu

Page:Actes du Congrès international de philosophie scientifique - I. Philosophie scientifique et Empirisme logique, 1935.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE ET EMPIRISME LOGIQUE I. 25

de l’unité du savoir, qui est le sens de la philosophie, et tendait à réduire celle-ci à un petit nombre de sciences parmi les plus spéciales : telles que la psychologie physiologique ou la sociologie, etc.

Mais surtout elle en était venue à dogmatiser : il n’était pas rare de voir des philosophes positivistes citer des manuels de science avec l’assurance de théologiens qui se réclament de la Bible : « la science a établi, etc. » Le savant chercheur et critique — pour qui la science est avant tout problème — ne trouvait pas dans les considérations de ces philosophes l’atmosphère de doute qui est nécessaire à la vie de la raison.

Enfin la philosophie positive, tout en étant partie de l’histoire, s’engageait de plus en plus dans une considération statique des « faits acquis », négligeant de comprendre plus profondément le processus d’acquisition de la connaissance. Ainsi prenait-elle parti pour des tendances qui sont bien représentées dans l’évolution de la science moderne, mais qui sont loin de s’être affirmées d’une manière exclusive, ni même prépondérante.

Je prends comme exemple un philosophe, qui est le plus près de nous et que tous nous aimons — au sens large — à proclamer notre maître.. Ernst Mach, s’attachant, après Comte, au contenu positif des théories — c’est-à-dire aux faits qu’elles renferment — niait toute valeur aux hypothèses représentatives ou aux images, qui forment cependant l’étoffe de la plupart des théories ; et il en venait jusqu’à combattre l’atomisme où il dénonçait une fautive « mythologie mécanique ».

Ai-je besoin de rappeler que sa conception de la science a été combattue sur le terrain scientifique par Plank et que ces « hypothèses » qu’il voulait rayer de la science, nous ont amené aux merveilleux progrès de la physique contemporaine ?

Je préfère indiquer, sur un exemple particulier, comment les préjugés empiristes ont induit en erreur notre penseur et historien éminent, dans le domaine même de l’histoire de la pensée. En retraçant l’histoire de la mécanique, il cherche à établir par quelles expériences les savants en sont venus à distinguer la « masse » du « poids » alors, que tout autre historien non prévenu aurait perçu, d’après les textes mêmes de Newton et de ses devanciers, que le concept de la masse se présentait à l’esprit par la considération a priori de la « quantité de matière », qui est bien définie suivant l’hypothèse atomique.

Je touche ainsi à un point fondamental de la théorie de la connaissance que les empiristes croient résoudre par une simple négation : le problème de l’a priori.