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Page:Actes du Congrès international de philosophie scientifique - I. Philosophie scientifique et Empirisme logique, 1935.djvu/33

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PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE ET EMPIRISME LOGIQUE I. 29

ment arrangées, et en même temps la méthode mathématique, qui exprime les données obtenues en formules mathématiques et donne aux résultats de l’expérience la forme rigoureuse de lois de la nature. On sait bien que les grands triomphes de la science moderne sont dus à cette méthode ; la création de la mécanique classique en marque la première étape, suivie plus tard de l’optique, de la thermodynamique et de l’électrodynamique.

Mais ce développement a été accompagné, dès le commencement, d’un développement parallèle de la philosophie. Le succès de la science a provoqué les philosophes, les a excités à étudier les méthodes scientifiques, et à rendre compte de leur applicabilité et de leur signification. Les hommes de science avaient poussé jusqu’au plus haut degré la méthode empirique, avaient bouleversé les conceptions fondamentales du monde et les avaient remplacées par un ordre abstrait et mathématique ; les philosophes se trouvaient donc devant la tâche de comprendre tout cela, d’en donner une interprétation. Ce n’est pas toujours la même chose de lancer une idée et de la comprendre ; l’esprit humain possède le don heureux de pouvoir utiliser des idées avant de se rendre compte de toute leur signification, de leur portée, de leur position épistémologique. Il faut envisager cela pour comprendre la fonction historique de la philosophie du temps nouveau. C’était toujours la méthode de la science qui était au centre des investigations des philosophes, à partir de Bacon et Descartes jusqu’à Kant ; et si, aujourd’hui, une grande partie des philosophes universitaires croit avoir le droit de séparer la philosophie et la science, il faut leur répondre que c’était justement la jonction des deux disciplines qui avait élevé la philosophie de ces temps à un niveau auquel on a conféré le nom de classique.

Mais dès son commencement, ce mouvement philosophique s’est divisé en deux branches qui correspondent exactement à une division analogue dans la méthode de la science. J’avais parlé du caractère empirique et mathématique de la science ; ce sont ces deux qualités divergentes qui produisent parmi les philosophes des courants également divergents. La méthode empirique enlève à l’homme le prétendu pouvoir, imaginé dans l’Antiquité et dans la Scolastique, de trouver les lois de la nature dans la raison humaine, de les tirer des considérations concernant la soi-disant essence des choses ; cette méthode empirique, dans toutes les questions scientifiques, laisse la décision aux faits de la nature. La méthode mathématique, de l’autre côté, introduit un pouvoir nouveau de la raison, pouvoir plus puissant encore que tout ce dont la Scolastique a jamais rêvé ; car les déduc-