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IRÈNE ET LES EUNUQUES

Avide de savoir, Marie, encore à genoux, s’écarta.

— Aurais-tu péché ?

— Ma chair n’a pas péché,… dit la veuve, simplement.

La chaste se dérobait au regard, et doutait :

— Ta Sagesse veut me détourner de ma peine au moyen de fables.

Sans parler, elles gémirent un instant toutes deux, l’âme dans l’âme.

— Tu le sauras par sa bouche aussi,… promit tout à coup Irène.

Elle frappa dans ses mains. Un serviteur parut qui sortit aussitôt pour obéir au signe de trois doigts levés.

— Tu ne cesses pas de le voir, toi !… fit l’Arménienne presqu’envieuse.

— Nos esprits s’entendent, mais loin de nos corps. Écoute-moi. Il enseignait dans Athènes, quand on commença de vanter mon adolescence. Il portait une jeunesse imberbe. Les plis de sa tunique parfumaient l’air. À ses lèvres, les paroles de science bruissaient comme le vol des abeilles légères et laborieuses… Il expliquait le cours des astres, les vertus des nombres, la vie de la mer. Bien qu’il eut l’âge d’un disciple, les vieillards caressaient, en l’écoutant, leurs barbes. Il mesurait les sphères avec le compas ; et ses doigts resplendissaient de grâce… Oh ! j’ai vu l’univers sur ses yeux forts, à travers le rythme de sa parole cadencée… Et j’aimai l’univers en lui qui l’exprimait !