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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/119

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siècles avant le sourire et la parole diserte de Malvina ? Quoi, l’on pouvait ainsi toucher, sans dévotion particulière, ces objets dignes de foi ? Des heures, il les palpait docile et pieux, durant que Malvina parlait à Virginie. Couchée dans le lit de la chambre ducale, la mère écrivait ses comptes et ses lettres sur un portefeuille en maroquin cramoisi, à doublure verte.

Songeant aux prestiges de la tante Malvina, le sens de la richesse prêta quelques opinions nouvelles. Qu’elle possédât des attelages et les livrées magnifiques des laquais ; qu’elle vécût d’habitude à Paris, dans une somptueuse maison, entre ses voyages ; qu’elle fût saluée par tant de messieurs, qu’elle parfumât la pièce où elle s’asseyait, rieuse et les gestes luisants de bagues, de bracelets, de joyaux : c’était le résultat de l’opulence. Maman Virginie pouvait moins de luxe. L’appartement de la Chaussée d’Antin, on l’avait abandonné définitivement. Avant son départ pour l’Allemagne, le général Lyrisse disait aux visiteurs avoir demandé ce poste, non loin de Nancy, afin de surveiller le domaine et d’en tirer la subsistance. Voilà pourquoi maman Virginie courait elle-même les champs, tous les jours, enveloppée de sa grosse mante, les socques aux pieds, avec la fermière Eulalie l’abritant d’un parapluie rouge. À l’écurie deux chevaux somnolaient. Les chiens de chasse occupaient les autres stalles. Parfois, les ardoises enlevées du toit par le vent jonchaient, tout un mois, les avenues, faute de manœuvre pour les ramasser. Depuis que la chaise de poste était partie pour la guerre, avec l’oncle Edme on ne montait plus en voiture, car l’essieu de la berline reposait, à gauche, sur un tréteau, une roue s’étant rompue. De beaux habits, chamarrés aux coutures, n’habillaient pas les deux domestiques, mais de vieux spencers de chasse, à boutons de cuivre, qu’ils enfilaient par-dessus leurs culottes mêmes de cuirassiers. Les bas de coton se drapaient à gros plis