Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/158

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Plutôt retournerait-il aux Cosaques pour se battre encore. D’ailleurs il s’admire parce qu’il a lutté, comme son père, le dragon glorieux… En vain sa mère l’attrape, le retient, le questionne et s’indigne. Il lui veut échapper, courir sus à l’ennemi dont le goût souille encore sa langue et ses gencives. Il ne voit rien du château, des arbres ni du givre, mais seulement la chemise rouge et le groin ironique de la brute qui, les mains aux genoux, joyeuse de cette faible fureur, le nargue du seuil du fournil.

Être celui qui dompte, qui piétine et qui tue ! Oh ! Vaincre ! Passe l’image de son père au galop, sabrant les Russes vers les étangs d’Austerlitz que décrivit l’oncle Edme, bien des fois, à l’oreille inattentive. Omer, à ce moment, perçoit tous les sons ressuscités de cette voix militaire. Oh ! vaincre aussi ! Apaiser et détendre, dans la satisfaction de la victoire, l’angoisse de sa colère !

― Omer, mon petit Omer, je t’en prie, calme-toi… Nous allons partir pour Paris… Va, nous ne resterons pas… Calme-toi… Embrasse-moi, mon petit Omer. Ça te fait mal, hein ?… Embrasse-moi… viens…

Le consolant ainsi, Mme  Héricourt l’entraîne difficilement au perron du château. L’enfant veut tuer sinon maintenant, au moins plus tard. Le désir de tuer l’affole. Et il mesure un nouvel ennemi.

Sur le perron, un géant ventru en capote grise et en bottes, saluait Caroline. Son bicorne à plumet blanc balayait les marches que heurtait son sabre. Attestant le ciel de ses mains aux bagues nues, la tante déclamait :

― Dieu !… Allez-vous, monsieur, ruiner la famille ?… Votre reçu, monsieur, qu’en puis-je faire, je vous prie ? Si je ne vends pas mon blé contre espèces, je ne pourrai faire face à mes échéances… C’est le déshonneur de la compagnie Héricourt, monsieur ! le déshonneur d’une