famille à laquelle appartiennent le général Lyrisse, le capitaine Edme Lyrisse, prisonnier à Grodno, le colonel Augustin Héricourt, assiégé à Dantzig… Vous êtes soldat, monsieur : condamnerez-vous à la ruine et au déshonneur une famille de soldats ?
― Excepté ça, madame, j’ai donc le regret, croyez-moi, le vrai regret… J’ai des ordres de Son Excellence. Voulez-vous, je vous prie, faire ouvrir les magasins ?…
― Ciel ! ― gémit la tante Caroline, dont tous les traits changèrent. ― Ciel ! Omer, mon pauvre enfant, te voilà sans pain !… ― annonça-t-elle dans une pose d’affliction digne des gravures.
Et elle vint embrasser Omer vibrant de haine, sa belle-sœur Virginie, puis :
― N’aurez-vous pas pitié de la veuve et de l’orphelin ? Voici l’épouse du colonel Héricourt, mort à Wagram pour sa patrie !…
Omer se révolta de se prêter à cette lamentation vile. Il étreignit la main de sa mère.
Le Russe salua de nouveau. Redressant sa haute corpulence, il proféra des ordres… Six cosaques se précipitèrent du fournil, pieds nus, et munis de hachettes. Ils gagnèrent l’orangerie. À travers les vitres on voyait les piles de sacs bruns ; les vainqueurs commencèrent à forcer la serrure : le fer grinça. Caroline continuait ses protestations derrière le géant à bicorne qu’elle accompagnait vers sa richesse.
À contempler la scène, l’enfant trembla. Il se félicitait de ce que nulle larme ne flétrît son visage courageux. Pour la première fois, étant battu, il ne pleurait point, malgré que des sanglots convulsifs l’ébranlassent depuis les reins jusqu’aux dents. Il se connaissait tout autre que la veille ou que le matin. Il se félicita d’être noblement roidi dans le désastre.
Mme Héricourt murmurait seulement les noms de Marie et de Jésus et baisait les joues de son fils. Enfin