Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/168

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vieilles berlines à capote de cuir craqué et disjoint, traînées par des haridelles blanches que menaient de vénérables cochers. Chacun se retournait, moqueur. Les longues basques de leurs habits trop clairs enchantaient les enfants. Denise Héricourt, de ses menottes en mitaines répétait des applaudissements farceurs ; et Omer l’imitait, tandis qu’édouard de Praxi-Blassans disait : ― faut pas !… faut pas rire des vaillants serviteurs du roi… faut pas, Omer, tu sais… mais le rire parcourait même les files de la garde nationale, majestueuse cependant sous d’immenses bicornes en bataille, des revers immaculés et boutonnés d’or, et roide en culottes blanches, en grandes guêtres brunes. Facétieuse, une marchande d’oublies présenta sa pâtisserie à un gentilhomme coiffé du lampion à cocarde blanche : ― en voulez-vous…, mon ci-devant ? Et la foule, secouée de joie railleuse, suivit : ― il faut en prendre un peu tout de même, marquis ! ― le roi oublie, puisqu’il accepte la constitution ! ― il la garantit dans sa charte. ― lisez l’affiche blanche, monsieur. ― et on ne rendra pas les biens nationaux. ― oublie ton bien, marquis ! ― mes amis, pria le gentilhomme, crions ensemble : " vive le roi ! " ― vive le roi ! ― proclamèrent des enfants, des femmes. Un hère, qui vendait la brochure de M. De Chateaubriand, Bonaparte et les bourbons, lança même en l’air son piteux chapeau, jadis neuf, au temps des incroyables et qui arriva jusque vers les mains décemment jointes de la silencieuse Delphine.