Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/171

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prince de Bénévent trop cher pour sa bourse… comment ignorait-il le tarif, dans sa situation de prétendant recommandé par le tugend-bund ? ― peuh !… M. Benjamin Constant est un brouillon si fâcheux ! ― dédaigna un chef de division aux relations extérieures. Les mains sous les basques de l’habit vert, il pivota, roide, devant les gravures encadrées, dont la plus fraîche représentait un enfant à front large, en collerette, et qui cravachait son cheval tenu à la bride par un jockey de l’empereur : sa majesté le roi de Rome recevant sa première leçon d’équitation. ― au fait, quelle lubie de choisir un tel conseiller que ce Constant !… et l’on assure que Mme Récamier lui demandera d’écrire le mémoire pour défendre à Vienne les intérêts de Murat. ― eh bien, voilà un monarque sûr de perdre sa couronne ! ― holà ! Les gobe-mouches ! ― commandait la tante, ― de grâce, asseyez-vous donc !… édouard de Praxi-Blassans et Denise Héricourt s’attablèrent l’un près de l’autre. Omer les contempla réunis. Leur mariage avait été le vœu suprême de son père. De même taille et de même âge, ils étaient jolis, avec des yeux pareils, très clairs, d’une nuance plus grise chez le garçon, plus bleue chez la fille. Tous deux ressemblaient à maman Virginie : ils avaient ainsi qu’elle les cils sombres et veloutés. Malgré son beau spencer, le petit mari, vif, souple, ardent, se démenait fort : il renversa son verre, encore vide, par chance. Il exigeait le gâteau de Savoie ; on le lui refusa : dès lors il se tint coi, tout pâle, et repoussa Denise du coude, assez brusquement. Déjà glissée de la chaise, elle sautait, comme à la corde, en son fourreau d’organdi. Elle avait de gracieux bras potelés, un fichu de cachemire à palmes noué dans le dos, et un rond de dentelles au