Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/180

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courageux, j’avise M. De Bellieron et le comte de Vermeux qui arrachaient leurs cocardes et les glissaient en poche, fort prudemment… cela semblait devoir finir en une simple promenade à cheval, devant une foule silencieuse et morose, qui flânait au hasard, lorsque les sonneries de trompettes annoncent l’arrivée des russes… un temps de galop, et nous les abordons. Doutteville se fait reconnaître par un aide de camp ; nous nous rangeons derrière la fanfare, et nous voilà poussant de bon cœur mille exclamations : " vivent les alliés !… vivent nos libérateurs !… à bas le tyran !… vivent les bourbons ! " les fenêtres s’ouvraient, dans les maisons, et nos belles amies, paraissant aux balcons, nous apportèrent quelque renfort, soit par le jeu de leurs mouchoirs blancs, soit en jetant sous les pas de l’état-major cent petits bouquets de myrte et de laurier… tout s’adressait d’ailleurs, semblait-il, au tsar Alexandre, à son Bel uniforme vert, aux plumes de coq de son chapeau et à sa figure avenante. Lui souriait aux dames, saluait à l’aise… là-dessus, nous fûmes chacun chez soi, assez mal contents. Après le défilé et la revue des Champs-Élysées, nous nous empressâmes néanmoins d’aller attendre le tsar, rue saint-Florentin, à la porte de l’hôtel Talleyrand. Nous avions lié des mouchoirs à nos cannes, et recommençâmes le manège… il y avait du monde, et j’entendis une vieille femme dire à son mari : " as-tu remarqué ? Tous les soldats " russes ont le brassard blanc, aux couleurs de Capet… ils vont remettre les bourbons aux tuileries ! " or, mesdames, ces brassards servaient uniquement à distinguer les alliés des troupes françaises, dont ils avaient pris les uniformes dans les magasins militaires des villes conquises, afin de remplacer les leurs en lambeaux… voilà tout ce que j’ai ouï dire des sentiments royalistes de la foule… ― monsieur, ― reprit la comtesse-l’empereur