Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/215

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il griffonnait à tâtons des notes, ce qui lui faisait perdre la moitié des raisonnements. « Quoi ? quoi donc ? » criait-il impérieux. Il bousculait Omer, et Dieudonné, les autres, afin de se planter au premier rang de l’auditoire. Le Père Gladis recommençait docilement sa démonstration, comme il convenait à l’égard du fils d’un pair de France. Mais il n’omettait nul de ses spasmes lyriques, déclamant : « Tracez dans la poussière des mondes une droite A B, qui part du centre de cette lumière versée par le sein d’une nourrice immortelle, qui aboutit aux regards verts d’Altaïr, et dans le plan de cette droite inscrivez le trapèze C D, E F, dont l’angle touchera le pôle antarctique des océans qui noient la surface de l’Orion… Suivez-vous ? C’est seulement par la vertu des nombres que l’immensité se découvre. Ô nombres qui dites l’infini, qui faites parcourir les espaces…, qui chiffrez les vitesses des lumières aux foyers déjà morts tandis qu’elles nous éclairent encore ayant consommé des ans dans leur course… Ô nombres, donnez-nous l’idée de l’univers et de la grandeur de Dieu… soit donc A = Monsieur Cavrois, retenez cette expression, je vous prie… »

Quelques jours après une composition sur les Croisades, à la fin de la quatrième, le Père Anselme vint chercher Omer en récréation et l’emmena, sans rien dire, par les corridors nus, les escaliers tortueux, les paliers étroits jusque dans sa cellule. L’enfant ne comprenait pas, peureux et timide. Que lui voulait le Père ? Il le traitait généralement comme l’un de ses meilleurs élèves. Pourquoi ce silence des lèvres flétries et serrées ?

― Je n’ai rien fait de mal ! ― balbutia l’épouvante d’Omer quand la porte de la chambrette se fut refermée sur eux. ― Je n’ai rien fait de mal, mon Père !…

― Malheureux !