Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/235

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maître de son âme devinait ? Omer ne redoutait même plus l’aveu prochain de sa luxure, tant il la croyait prévue exactement par la perspicacité divine du jésuite.

Il s’amollissait au son de sa litanie, heureux de ne plus être que l’autre, l’autre, le maître, qui le guiderait jusqu’aux gloires, et les assurerait.

― Oui, vous êtes l’humanité, mon fils, toutes les faiblesses de l’humanité ; et vous enchantez mon esprit comme les peuples connus de mes veilles… Vous voici l’homme changeant et variable… à travers qui Dieu souffle quand il veut… Ô matière de la Rédemption !… Et, pour la part de Dieu que vous contenez, je dois vous secourir…

la voix s’arrêtait dans une méditation qui dura ; ensuite elle reprit :

― Si vous me choisissez pour directeur de votre conscience…, il faudra vous soumettre et croire… Le voulez-vous ?

― Oui, mon père.

― C’est un engagement. Il nous lie tous deux. Il s’agit de s’aimer, de former un seul esprit, une seule force avec votre âme et avec mon âme… Consentez-vous ?

― Oui, mon père.

― Il ne faudra rien cacher… Nous nous reflèterons l’un l’autre… Si je vous disais : « Renoncez à l’état ecclésiastique, à votre ambition enfantine, à l’impossibilité d’un rêve de grandeur… », m’obéiriez-vous ?

― Oui, mon père.

― Vous sentez-vous capable d’écrire, en rentrant à l’étude, des lettres qui, d’une manière irrévocable, avertiront de cela votre mère, votre tante de Praxi-Blassans, tous ceux dévoués dès à présent à vous préparer les voies du trône épiscopal ?

La voix commandait, sévère, brève.

Omer Héricourt hésita. De la vie souhaitée, rien ne