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leurs parents qui faisaient, à Carlsbad, une saison d’eaux, avec tous les diplomates de la Sainte-Alliance. Pendant la semaine que les cousins passèrent ensemble avant cette séparation, ils parcoururent les prairies que la Scarpe sinueuse arrose, au bruit des blutoirs secoués, des meules écrasant le grain, des cascades sautant les vannes et ruisselant sur les grandes roues à godets.

L’odeur des tanneries pénétrait le salon grisâtre où ils conversaient, le soir, entre les lambris fendus. Une salle basse luisait par ses lourds bahuts de chêne sculptés, ses vingt chandeliers de cuivre fourbi, les vieux fusils de chasse étincelant, aux rateliers des murailles, entre les poires à poudre, les sacs à plomb brodés, les filets des carnassières. Caroline était tout le jour en courses dans son cabriolet boueux.

Au cours de cette semaine d’adieux, Omer laissa grandir encore son admiration pour l’aîné des Praxi-Blassans. Depuis longtemps déjà, Émile assumait les devoirs de l’abnégation militaire. Il était le plus exact et le plus discipliné. Ponctuellement, son père lui écrivait deux fois la semaine certains avis secs qu’il observait sans négligence. Il se tenait droit, ramenait ses cheveux en coup de vent comme l’enseignaient les gravures représentant les généraux de l’Empire. Il étudiait avec scrupule les mathématiques, bien qu’il ressentît de la difficulté pour apprendre. Au collège, durant les récréations, il avait dû souvent recourir à Dieudonné Cavrois, ferré sur la matière : le gros garçon traçait, à l’aide d’une baguette, les figures, les nombres dans la poussière. « Archimède conseille Marius ! » disaient les Pères, ravis que l’exemple du travail fût donné à la plèbe du collège par son aristocratie.

Émile choyait, en Omer, le fils de ce Bernard Héricourt, type de l’honneur. Il le respectait par dévotion à ce même idéal, et le défendait contre la jalousie d’Édouard